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CINESTAR SPLATZ

Festival ARENA / Erlangen - Allemagne / 10 bimeurs

Juin 2015

Prix du Jury

 

Invités par le festival tremplin Arena, nous avons investi Besiktas-Platz, mieux connue localement sous le nom de “CineStar Platz”. Un lieu de ressource, calme et reposant, en plein quartier commercial des Arcaden, loin des pierres et pavés typiques du centre huguenot de la ville. Un archétype digne d’une session du jeu vidéo Les Sims, cette place s’architecture avec application et rigueur autour d’une fontaine sobre et généreuse, tout en offrant une multiplicité de lignes, courbes et circulaires fortes.

Mécanisés ou bestiaux, alignés, entassés, nous avons arpenté la machine en nous amusant tantôt à honorer tantôt à déjouer sa fonctionnalité poussée à l’extrême. Une performance qui nous a valu le prix du jury!

 

 

©Tim Bornkessel / ©Andreas Donders / ©Eric Rainer / ©Silvia Poxleitner

INTERVIEW COLLECTIF BIM

Cassandre et Mathieu

SPOTS [5] 2015, pages 6-9.

 

SPOTS : Comment le groupe a-t-il été fondé?

Mathieu : On était tous à la même école à Lyon. Il s’agit de l’ENSATT, une école d’arts et de techniques du théâtre. Une école vraiment grande qui propose divers parcours touchant tous les métiers du théâtre : il y a donc des comédiens, des scénographes, des créateurs lumière, son, des administrateurs, etc..

En première année, les comédiens ont fait divers stages en Italie, dont un en particulier autour du « Site-Specific ». Il se penchait sur l’interaction du corps avec l’espace, c’est-à-dire avec l’architecture, les lignes, les gens... En quittant l’école, on a décidé d’approfondir ce concept en fondant le « Collectif bim ». Ce collectif est composé de comédiens mais aussi de scénographes, costumiers, créateurs sonores, chercheurs, administrateurs...

Cassandre : Grâce à nos différentes formations et métiers, chacun d’entre nous a un regard différent sur l’espace. Les acteurs disposent souvent d’une vision depuis  l’intérieur, en contrepartie les scénographes aperçoivent d’abord les perspectives et les structures, les créateurs sonores entendent des choses très fines dont d’autres ne se rendent pas forcément compte. Nous tâchons de proposer une belle synthèse à partir de toutes ces perceptions individuelles.

Mathieu : Et pour autant nous sommes tous en même temps des performeurs, ou « bimeurs ».

 

Où présentez-vous vos performances en particulier ?

Cassandre : On a eu de nombreuses représentations à Paris, à Lyon, Marseille, mais également dans de plus petites villes en France. Et maintenant, notre première fois en Allemagne !

 

Dans quelle mesure l’espace public a-t-il une influence décisive sur votre travail ?

Mathieu : Généralement, on arrive cinq ou six jours avant la performance. À ce moment-là, on n’a rien du tout, franchement rien, car il faut avant tout découvrir et comprendre le lieu. On tente d’analyser la vie.

Cassandre : Très souvent les usagers du lieu en question sont des gens qui y passent presque chaque jour. Celui-ci constitue en quelque sorte un élément indispensable dans leur quotidien. On recherche donc les significations de ce lieu et les raisons pour lesquelles il a été construit : qu’est-ce que les gens font ici ? où est-ce qu’ils se reposent ? À partir de ces impressions on essaie d’imiter leurs comportements, de les contredire, de les compléter...

 

Et les raisons pour lesquelles vous avez choisi cette place, le Besiktas-Platz?

Cassandre : On l’a choisie car elle dispose de nombreux éléments très variés : il y a tant de points culminants en termes d’architecture ! Le pont, la fontaine, les marches, les fleurs et les bancs ronds, les lignes par terre, etc..

Mathieu : Surtout, l’eau nous attirait pour notre travail. C’est la première fois que l’on a décidé de jouer sur une place avec une fontaine.

Cassandre : En plus, c’est une place très vivante. Ainsi on a régulièrement du public autour de nous, ce qui enrichit beaucoup le processus de création. Les gens nous regardent en réagissant d’une certaine façon. Ce sont ces réactions-là auxquelles on réagit à notre tour et sur lesquelles on base notre inspiration. En Allemagne, cette interaction avec le public nous pose quelques problèmes parce que l’on ne parle pas la langue. Néanmoins il y a toujours la mimique et les gestes qui reflètent l’humeur des gens.

Avez-vous un concept prédéfini que vous appliquez à chaque nouveau projet ? Par exemple, traitez-vous toujours certains objets de la même façon ?

Mathieu : Non, pas vraiment. Ici par exemple, on a tout de suite remarqué les pigeons qui buvaient dans le bassin. Une fois, un chien les a chassés, les pigeons se sont posés sur les lampadaires. C’est ça qui nous a donné envie de prendre en compte les lampadaires et la fontaine avec le chien au sein de notre composition.

Cassandre : Tout de même il y a une chose que l’on fait chaque fois en arrivant à un nouvel endroit, une certaine méthode : c’est la tentative de saisir l’esprit du lieu. On recueille un ensemble d’informations comme l’architecture, la fonction, l’histoire, les parfums, les bruits et les couleurs du lieu. Ainsi nait le grand ensemble. On fait toujours cela au début du travail afin que tout le monde ait la même base pour développer des idées. Une fois qu’on a analysé le lieu tous ensemble, on commence à travailler sur la performance en nous posant des questions essentielles : où sommes-nous ? pourquoi sommes-nous ici ? que voulons-nous exprimer ?

 

Avez-vous toujours un message que vous aimeriez  véhiculer ou travaillez-vous simplement avec le lieu sans y penser ?

Cassandre : Je ne l’appellerais pas un message, il s’agit plutôt d’un questionnement que l’on propose sur le lieu. Par exemple ici, on a constaté que cette place est un espace public idéal. On pouvait facilement se mettre dans la peau de l’urbaniste qui en avait conçu l’aménagement : la fontaine et les bancs tout autour, les restaurants où se retrouvent les gens… tout est planifié de façon très exacte. Finalement on a comparé la place avec le jeu vidéo « Sims ».

Mathieu : Dans ce jeu, il est possible de tout planifier selon ses propres idées, ce qui nous a conduit à la question : la vie crée-t-elle cette place ou est-ce que c’est cette place qui crée la vie ?

 

Trouvez-vous qu’il y a une différence entre les places en Allemagne et les places en France ?

Cassandre : Tout d’abord chaque place est unique en elle-même, même en France, donc on ne peut pas dire que cette place-ci soit différente juste parce qu’elle se situe en Allemagne. Mais je peux vous donner un exemple que l’on a noté dans la culture et dans les réactions des gens en Allemagne. Au moment où on est arrivés, on a d’abord vu la fontaine. Il n’y avait personne dans le bassin. On s’est dit : allez, allons ensemble dans le bassin et faisons quelque chose de fou. Une heure plus tard, il y avait des gens qui se baignaient dedans, qui ôtaient leurs vêtements, des enfants qui couraient dans tous les sens… Les gens en France ne feraient pas tout cela. On s’est dit : ça ne fonctionne pas, ça ne choque personne ! Notre première idée était finalement ordinaire et il fallait réfléchir à quelque chose de nouveau.

Mathieu : Mais ce qui est vrai, c'est que les réactions à nos performances, que ce soit en Allemagne ou en France, sont à peu près les mêmes.

 

Finalement, vous devez nous révéler ce que signifie le nom de votre collectif. A-t-il une signification absolue ?

Cassandre : « Bim » signifie en français la même chose qu’ en allemand. Il s’agit d’une onomatopée. C’est tout simplement « BÄM !!! ». Bien sûr ce nom veut traduire notre énergie et notre rapidité. On a toujours assez peu de temps pour composer la performance, c’est comme une performance-éclair. Un jour où on voulait se mettre d’accord sur un nom, quelqu’un a prononcé la phrase décisive : « Il nous faut quelque chose de… bim ! » et voilà, bim était né.

 

 

Interview : Yasemin Schober

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