
PLACE MARTIN NADAUD
Festival Et 20 l'Été / Paris XX / 10 bimeurs
Juin 2014
Invité par le festival d’arts de rue Et 20 l’Été, le Collectif bim est intervenu place Martin Nadaud à Paris. Cet espace triangulaire longeant le cimetière du Père Lachaise, annonçant la place Gambetta, est un nœud de circulations bruyant et frénétique. Sur cette ancienne voie de détournement fermée aux voitures : un arc-en-ciel peint au sol, un fragment de forêt urbaine, une rue pavée élancée vers l’horizon... Vaste terrain de jeu qui a porté ce bim vers une intervention onirique.




©Naïla Nkhili / ©Michel Bammez
Un point de vue sur bim, par Télé Bocal :
26.06.2014, 17:30, 48°51'54.2"N, 2°23'41.1"E
« Pour une fois, le Collectif prend part à un festival entre « professionnels de la profession ». Le processus de création restera pourtant le même. Durant six jours, une dizaine d’artistes s’installe sur une place, l’habitant et y vivant quotidiennement pour appréhender sa complexité. 10h-20h. Seul un rendez-vous sera indiqué aux festivaliers : jour – heure - lieu, pour une performance en forme de restitution des travaux de la semaine. Sauf que cette présence quotidienne fait partie intégrante du jeu, est au moins aussi importante de ce qui s’y passera en « public » à la fin. L’intervention sur (la) place est permanente, publique, commune, banale.
Cet espace triangulaire au sommet de l’avenue Gambetta longeant le cimetière du Père Lachaise, annonçant la place Gambetta, est un nœud de circulations. Sur un de ses trois côtés, une ancienne voie de détournement vient d’être fermée aux voitures. Une fresque y a été peinte au sol, en forme d’arc-en-ciel très coloré. Les terrasses des restaurants ont profité de cet espace gagné sur les voitures pour s’étendre, s’exposant en plein soleil et en pleine lumière sur ces bandes colorées. L’ancienne voie bitumée génère un îlot piéton central flanqué d’un grand bac de verdure folle, d’une sanisette flambant neuve et d’une bouche de métro appelant sa jumelle de l’autre côté de l’arc-en-ciel. Face à ce dernier, devenant piste de course multi-voies, une rue pavée semble s’élancer vers l’horizon, surplombant Paris.
Le terrain de jeu est vaste. Ici, on peut faire une compétition de sprint en pleine rue. Vénérer des sanisettes sculpturales comme un trophée interstellaire. Se faire aspirer et recracher par une bouche de métro. Faire sécher sa permanente sous un lampadaire. Redevenir une horde de chimpanzés au moindre îlot de verdure. Transformer les panneaux publicitaires en téléphone. Danser les sonorités de noms de stations de métro. Choisir la tranche de bitume coloré selon sa propre couleur, et tenter de s’y fondre. Courir, vite, et avec beaucoup d’imagination et un peu d’entraide, s’envoler vers l’horizon.
Séjournant quotidiennement sur cette petite place, les membres du collectif y font de multiples rencontres. Un clochard céleste, habitant de derrière la sanisette, les observe tous les matins arriver à la même heure. Toute la journée, il les guette sans broncher, amusé de leurs jeux. Ensemble, ils fêteront son anniversaire en fin de semaine. Lundi, une doyenne les insulte et avec eux tous les intermittents du spectacle, inactifs ultimes parmi tant d’autres. Mardi, un vendeur de kebab leur hurle l’interdiction de mimer un coït explosif dans la bouche de métro. « Vous avez des enfants ? » La force insistante d’un café quotidien dans son échoppe finira par renouer le dialogue.
Au fil des jours, les regards sont intrigués, surpris, indifférents, agressifs, désabusés, joyeux, parfois compatissants. Presque toujours, ils clignent et refont le point. Qui sont ces gens ? Est-ce normal ou bizarre ? Ces actions sont-elles spontanées ou prévues ? Gratuites ou intéressées? La frontière est toujours ténue, et le jeu permanent. Tenter de l’épuiser est vain. Mais probablement salutaire, pour que continuent de vivre nos villes. »
Edith Hallauer